Comment parler de ce roman, qui a valu le prix italien Strega à son jeune auteur pour ce premier roman ?
C’est un livre sur la solitude comme l’indique le titre, les nombres premiers ne se divisent pas et sont seuls même si dans les mathématiques leur nombre jumeau peut exister, mais très loin dans l’enchaînement des chiffres… mais pour les théories scientifiques il faudra s’adresser à quelqu’un d’autre que moi… voyez plutôt avec Mattia…
Les héros sont des personnages qui sont solitaires et adolescents pour une bonne partie du roman, à la recherche de leur intimité et de leur personnalité, ils sont blessés par la vie (disparition, mort, accidents ) et par leur entourage. Ils reçoivent peu d’affection et la recherche de l’ami-e est parfois utopique et difficile…
Ce n’est pas un livre drôle, mais par moments tous ces épisodes sombres sonnent très justes. Heureusement il n’en va pas ainsi pour tout le monde dans la vie à cet âge délicat… mais Alice et Mattia, les deux protagonistes vivent des choses très douloureuses (Mattia avait une soeur jumelle….et Alice a eu un accident…. pour faire court!). A la suite de ces évènements tragiques, Mattia, inadapté socialement et surdoué, s’enferme dans les mathématiques et développe une obsession que je ne dévoilerai pas ici, alors qu’Alice exprime sa différence par l’anorexie.
Ils vont être amenés à se rencontrer, se frôler, se confier enfin et être liés malgré eux. Ils se retrouvent dans des abîmes similaires, mais l’amour est à côté, impossible, parce qu’ils sont respectivement au bord du gouffre. Le lecteur a le sentiment qu’ils ne sont pas dans leur vie, que les choses glissent sur eux ou à côté. C’est toujours un évènement, un hasard qui les font se croiser ou non. Peut-être existe-t-il une théorie mathématique pour expliquer cela, le hasard, qui n’en est pas un, ou comment expliquer par un théorème qu’un lien invisible relie toujours, malgré le temps et le vent, les deux mêmes êtres, parmi des millions d’autres..?
Giordano, reconstitue très bien ces moments de l’adolescence où la cruauté et l’égoïsme sont les maîtres sentiments. Il y a des scènes de bandes de filles, où, bien sûr, il faut suivre la meneuse et se soumettre à ses idées faute de quoi on sera exclue « à jamais » et ce serait tellement horrible, on est alors prête à avaler un bonbon volontairement sali et impregné de la poussière et des saletés du lavabo du vestiaire… C’est aussi le livre des attentes amoureuses adolescentes, ceux qui fantasment, ceux qui savent et qui en rajoutent et ceux qui espèrent, mais c’est n’est pas vraiment l’ambiance « années collège »…
Un livre où la solitude, l’enfermement et la douleur règnent, cela est très bien rendu à travers la plume sobre et presque clinique, voire mathématique, de Giordano, il n’y a pas de mot en trop, tout est dit et exprimé d’une manière simple et juste. L’auteur ne s’étale pas pour faire de ce livre un roman psychologique. Il nous donne « simplement » à revivre le désespoir, la peur, les phobies, le mal-être exprimés dans toute la violence et la force que possèdent les adolescents tourmentés et ce jusqu’à l’entrée dans l’âge adulte. On espère qu’ils vont s’en sortir…vous verrez !
GIORDANO , Paolo. La solitude des nombres premiers. Paris, Seuil, 2009