Médiéviste français reconnu, Michel Pastoureau est un passionné: couleurs, symboles, héraldique et animaux… J’en oublie certainement. Un de ses nombreux talents est de nous faire partager le résultat de ses recherches. Il étudie le Moyen Age à travers les nombreux écrits, sculptures, peintures, enluminures… qui concernent les animaux. Deux l’intéressent particulièrement car ils ressemblent aux humains, le cochon et l’ours.
Pastoureau raconte la déchéance de ce noble animal, vénéré depuis la préhistoire jusqu’au Moyen Age, férocement combattu par l’Eglise, puis renaissant au début du 20e siècle dans l’imaginaire collectif sous la forme un peu amoindrie du «Teddy bear ». La Suisse est un des pays qui a le moins oublié la mythologie «ursidesque». De nombreux patronymes le rappellent: Sainte-Ursanne, et, au plus haut niveau, Berne! La couverture de ce livre reprend la bannière de l’ours du canton d’Appenzell. Genève a une rue St Ours: Georges Haldas en a fait une chronique sur sa mère et son enfance. St Gall, qui fête cette année ses 1400 ans, est née de la rencontre du saint éponyme et d’un ours. Le saint lui a donné du pain, l’ours a aidé à bâtir le monastère. Peut-être même faisait-il partie des premiers convers?
Pourtant, encore aujourd’hui, le pauvre ursus, pour son malheur, ressemble trop à l’homme. Si vous en doutez, lisez l’excellent album de Jorg Müller
et Jorg Steiner Un ours, je suis pourtant un ours !
Et il continue de faire peur au 21 e siècle.
Au Moyen Age, cet animal a la réputation d’être un dangereux séducteur du genre féminin. On s’affuble de peaux d’ours pour fêter le réveil de la nature. l’Eglise n’a de cesse de supprimer le culte de cette bête trop humaine, symbole du paganisme honni. Habilement, elle ne l’éradique pas de but en blanc mais détourne en fêtes religieuses toutes les festivités liées à l’ours. Le réveil de l’ours en février devient la Chandeleur, l’entrée en hibernation est oubliée au profit de l’histoire édifiante de St Martin partageant son manteau avec un pauvre. L’ours se trouve chargé d’un des pires péchés, la gourmandise, la goinfrerie. Comme si cela ne suffisait pas, on lui a préféré le lion pour symboliser le roi des animaux! Lui, au moins est incapable de se mettre debout!
Sous le prétexte apparemment futile de l’histoire de l’ours, Pastoureau parle avec beaucoup de bonheur de l’évolution de nos mentalités d’humains.
PASTOUREAU, Michel. L’ours : histoire d’un roi déchu. Paris, Seuil, 2007. 419 p.
Le 29 février, Michel Pastoureau a inauguré à l’université de Genève un cycle de conférences intitulé Des bêtes et des hommes : regards médiévaux sur la nature et les animaux. Il s’annonce tout à fait passionnant.